Mal à en hurler...
Demain ça fera un mois...
Un mois que mon fils est né, puis qu'il est mort. En fait non, il est mort, puis il est né... Curiosité de la nature que de faire les choses à l'envers, non ?
Bizarrement j'arrive facilement à dire "mon fils".
Par contre, je suis quoi moi ?
Une mère ? Une maman ? Une maman à moitié ? Une maman "sdf" ? Une maman entière ? Une "pas tout à fait" maman ? Une presque maman ?
Je sais pas trop... j'ai dû mal à me qualifier de quelque chose ... Une maman c'est celle qui nourrit, qui aime, qui donne la vie... pas la mort... Je suis quoi moi ?
Aujourd'hui ça ne va pas bien... dés le matin je sens les énergies négatives monter en moi dés que mon cerveau vient lentement à l'éveil, et ce matin c'était comme ça.
Du coup je me retrouve à fleur de peau, rien ne va, le moindre truc et je craque... et c'est parti pour la journée... 1/2h de sourire, 10min de larmes... et c'est comme ça jusqu'au soir.
En plus cet après midi rdv avec le psychologue, donc pas de quoi réussir à mettre un voile plus gros sur mes émotions... au contraire je me retrouve 1h à me dévoiler, ouvrir mon cœur qui est déjà incisé en grand sur cette blessure béante formée du trou laissé par mon enfant partit.
Que faire ? En sortant de chez le psychologue, je peux pas dire que ça allait franchement mieux... Arrivée à la maison, j'étais déjà en larmes, avec mes douleurs, mes angoisses, toutes ces saletés qui écument ma tête sans relâche.
Je me retrouve seule chez moi, envie de rien... enfin, si... mais la seule chose dont j'ai envie, elle m'a été refusée et enlevée définitivement il y a un mois.. et partir sur des "et s'il était là" c'est encore pire que de se dire "il ne sera jamais là !" ...
Mais voilà... pas envie de parler, pas envie de quoique ce soit...
Même mes compulsions alimentaires familières de mes angoisses d'antan ne sont plus là pour combler le vide affectif !
Ben oui, la diététicienne comportementaliste avec laquelle j'ai travaillé pendant deux ans peut être contente de son travail ! J'étais allée la voir pour travailler sur mes problèmes alimentaires, en disant (je m'en rappelle comme si c'était hier, et ça date d'il y a 3 ans et quelques) "je préfère m'en occuper maintenant, car si un jour j'ai un gros coup dur, je sais pas comment je réagirai côté bouffe !" . J'ai bien fait d'être prévoyante, comme quoi ! Des fois y a de quoi se poser des questions sur le pourquoi du comment on agit de telle manière !
Et bien voilà Madame L. , là le coup dur je l'ai pris... et de plein fouet !
Pas le petit coup dur du dimanche... Non, non... Le vrai, le méchant, le pire, le plus dur qu'on puisse vivre, la saloperie vicieuse qui prend dans le dos, qui fait si mal qu'on a envie de dormir (définitivement ? ), qu'on a des fois envie d'être partie il y a un mois, qu'on se dit que ça serait cool de pouvoir poser le cerveau à côté ne serait ce que une heure ou deux, histoire de reposer le corps et le cœur...
Ben oui, comme coup dur c'est pas mal ça, de perdre son enfant, un bébé sorti de moi, venu de mon ventre, venu d'un morceau de deux personnes qui s'aiment... C'est si joli quand tout se passe bien... Par contre l'accroc, lui, fait mal et pas qu'un peu ! ça casse, ça détruit tout sur son passage... le peu d'assurance qu'on peut avoir on peut l'oublier, car ça remet beaucoup de choses en question tout ça. Cette saleté de culpabilité, ces questions qui vont et viennent sans cesse, qui ruminent, qu'on se pose sans vouloir les laisser venir à l'esprit...
ça fait si mal !!! Je me dis qu'on devrait avoir un punching ball à la maison, pour pouvoir évacuer cette douleur, cette colère qui me suit, malgré la résignation qui vient parfois, pas à pas... Mais qui n'est pas encore assez forte pour passer par dessus cette colère qui me bouffe, qui m'envahit, qui me donne envie de hurler, de frapper fort, de faire mal... d'avoir mal dans mon corps, pour oublier la douleur et la haine que j'ai pour ce que je subis chaque jour depuis presque un mois dans mon coeur !
ça fait un mois que je me retiens... peur de faire peur aux voisins, aux autres...
Finalement c'est tout simple ! Tout à l'heure, je n'en pouvais tellement plus que j'ai pris un oreiller, je l'ai plaqué sur ma bouche et j'ai hurlé, j'ai hurlé une fois, deux fois... cinq, six fois à avoir mal aux cordes vocales, à recommencer, à essayer de faire sortir un peu de cette rage que j'ai, cette immense souffrance qui habite chaque partie de mon corps... J'aurais pu hurler pendant une heure !! ça aide un peu, ça défoule un peu...
Mais pourtant la souffrance reste là... Je ne sais pas si ça sert à quelque chose...
Que faire ? Depuis plusieurs jours, je m'efforce de me dire "Le 4 avril, ça fera un mois qu'Erwann est mort", plutôt que de me dire "Le 4 avril, Erwann aurait eu un mois"... histoire de m'efforcer de ne pas m'enfoncer dans le regret de ce que je n'aurai jamais... Mais bon, c'est difficile d'être raisonnable...
Demain, il aurait eu un mois...